La littérature sous caféine


mercredi 20 septembre 2023

Journal d'Avignon, suite et fin

"J'aime les paumés, les moins-que-rien !" clame Pannonica, baronne juive en rupture avec son milieu, œuvrant pour la reconnaissance de jazzmen noirs. C'est exactement le mantra qui m'a guidé jusqu'à maintenant (mais plus pour longtemps ?) dans mon travail romanesque, et ce n'est sans doute pas un hasard si Natacha Régnier, interprétant avec justesse et émotion le personnage campé par Olivia Elkaïm, dans une mise en scène élégante de Christophe Gand, a accepté il y a deux ans de prêter sa voix à mes Suicide girls, avant de me faire l'amitié de lire en public des passages de La Viveuse. Pour moi, la littérature a toujours été quelque chose comme des mots soufflés sur une situation impossible.

Dans un genre différent, "Porn for the blind" réussit ce que la comédie sociale anglaise avait réussi avec Irina Palm (2007) : une histoire drôle et touchante, à peine provocante, à propos de l'univers porno. Une jeune femme (incarnée avec brio par Lison Pennec, auréolée du dernier Molière de la révélation féminine) tombe amoureuse d'un aveugle et cherche à le retrouver par le biais de podcasts érotiques. Rien de graveleux, mais de l'humour à revendre... Le porno devient un beau prétexte et l'occasion d'une jolie réflexion sur les fantasmes et la solitude. Qui a dit que la chair était triste ?

mercredi 13 septembre 2023

Algos

Écrire et travailler sur la sexualité, c'est à double tranchant. Vous attirez les curieux, les égrillards, les amusés, mais vous en agacez beaucoup d'autres. Sans parler du fait que les algorithmes vous marginalisent et cela, quel que soit le discours que vous tenez. Je pense l'avoir en partie expérimenté avec La Viveuse. Alors, je suis plein de sollicitude pour ceux qui s'y frottent, comme dans Platonix, mis en scène par Hélène Boutin, la comédie d'une réalisatrice tournant un porno conceptuel avec des acteurs qui ne la comprennent pas. Rythmé, culotté, sans provocation inutile... L'écueil énorme du ridicule est évité !

mardi 12 septembre 2023

Copi

Ça crie, ça rouspète, ça se bouscule, ça gigote, ça s'agite, ça roucoule, ça danse, ça rit, ça pleure, ça grimace, ça chie, ça baise, ça tue, c'est du Copi.

Et, accessoirement, le meilleur titre du Festival d'Avignon, "La sauterie circulaire".

lundi 11 septembre 2023

Oulipo, rire mécanique

Longtemps, je n'ai pas aimé les jeux littéraires. J'estimais qu'avec la littérature on n'était pas là pour s'amuser. Décrire, ressentir, exprimer... Mais j'avance en âge et je comprends mieux l'intérêt de faire l'enfant. Retrouver la fraîcheur et surtout prendre à revers la vie pour moins la subir.

C'est dire comme j'ai aimé, au Festival d'Avignon, "C'est un métier d'homme", en partie écrit par Hervé Le Tellier et placé sous le patronage de l'Oulipo. Deux acteurs survoltés (Denis Fouquereau, David Migeot) se moquent des postures et des métiers en jouant de leurs ressemblances, de leurs procédés, de leurs inévitables déchéances. Le rire est du mécanique plaqué sur du vivant, disait l'autre : ici, le rire est plutôt la révélation du mécanique.

mercredi 6 septembre 2023

Lavant au off

Quand j'habitais à Belleville, je croisais souvent Denis Lavant. J'étais intrigué par ce petit homme au visage chiffonné, toujours pressé, habillé comme un vagabond. Je me souvenais de certains de ses rôles au cinéma. M'intéressant davantage à lui, j'ai découvert la carrière merveilleuse d'un acteur intense et exigeant. Je le retrouve avec plaisir au Festival d'Avignon en compagnie de Samuel Mercer dans ce "Je ne suis pas de moi" tiré des "Carnets en marge" de Dubillard. Prenez Beckett, ajoutez du Sartre, saupoudrez de burlesque et de sexualité horrifique et vous obtenez ce dialogue foutraque et furieux. L'instant métaphysique de mon festival !