Un article d'une camarade de promo HEC à propos d'Autoportrait du professeur. Je ne donnerai pas son nom, son blog est anonyme...

"En quittant HEC Aymeric n’a pas choisi les voies classiques du conseil ou du marketing pour ses premiers pas, ni l’ENA ou Sciences Po pour poursuivre ses etudes. Ayant l’ecriture inscrite dans sa vie depuis tres longtemps et souhaitant y consacrer du temps, il cherche un metier compatible avec cette passion, a la fois par son emploi du temps que par sa vocation « ethique » et sa composante intellectuelle. Ce sera l’enseignement, ce noble metier ancestral. Il passe ses concours et se retrouve donc à demarrer sa vie professionnelle avec des remplacements dans des colleges et lycées d’Ile de Fance.

Ce livre est le temoignage – dur – de ces premières années de travail, dans des milieux defavorisés, dans des structures depassées par la realite de ce qui se vit dans les villes-ghettos de certains departements ou certaines viles. C’est un constat d’echec, une deception par rapport au système qui ne peut pas combattre cette realite (qui semble meme l’occulter), l’amer constat de la solitude des professeurs en cas de difficulte (il voit a quel point il y a une absence de solidarite entre colegues ou de soutien dans la hierarchie). Le constat que le probleme n’est pas quel bord politique est au pouvoir car l’origine est ailleurs, et que les victimes sont a la fois ces enfants violents, seuls, cruels, sans reperes, mais aussi les profs, sombrant dans la depression, la peur…

Il y a bien sur aussi des observations positives, des petites victoires personnelles, des rencontres, un face a face necessaire avec la realite qu’il ne connaissait pas du tout. Mais le but de ce livre est d’attirer l’attention sur ce qui est alarmant et scandaleux, inacceptable.

Le systeme semble ne pas laisser de place a ces enfants qui n’ont pas d’encadrement a la maison, et dont les seuls reperes sont par la negative : ce qu’ils ne sont pas, la difference, l’isolement, la fuite. Jamais l’assimilation, le groupe, la notion d’appartenance. Et leur sort s’incarne par l’abandon du système scolaire, ou par l’expulsion de celui-ci, les excluant des statistiques de succes ou d’echec mais les excluant aussi du coup de la societe.

Aymeric denonce aussi que la formation des professeurs n’aborde jamais ce genre de sujet (comment l’affronter ? d’où vient-il ? quelle est la position de l’Ecole en tant qu’institution ? quels sont les recours… ?), et c’est un vrai probleme, car c’est loin d’etre un sujet ponctuel et isole. Il a plutot tendance a s’etendre, du fait du desarroi et de la solitude croissants des enfants et des ados…

C’est un livre dur a lire car il nous renvoie beaucoup d’entre nous à une realite qui n’est pas la nôtre, et que nous fuyons certainement. La regarder en face n’est pas facile si l’on croit un minimum a l’ecole republicaine, ce qui est mon cas… C’est aussi un livre qui permet de voir les profs sous un angle plus humain et moins favorise qu’on n’en a l’habitude, comme une population peu soutenue et dans certaines circonstances livree a elle-meme.

Je vous conseille cette lecture qui je pense va vous ouvrir les yeux sur un sujet passe sous silence car tres derangeant. Et pour le completer, regardez si vous ne l’avez pas encore fait le sublime film « la journee de l a jupe », de JP Lilienfeld, grace auquel Isabelle Adjani gagna son dernier Cesar (bien merite). Attention, c’est un film tres dur mais merveilleux de verite et de sincerite…"