La littérature sous caféine


vendredi 31 juillet 2020

40 choses observées à Münich (4/4)

Dans les paysages bavarois, les villages ressemblent aux villages français du Grand Est avec leurs agrégats de toits ocre autour d’une église, même si les clochers diffèrent par le style et que les maisons sont plus grandes, plus orgueilleuses, sans le côté parfois misérable et perdu que l’on trouve en France / Les jardins ouvriers ressemblent à de petits parcs / Les toilettes sont toujours impeccables, que ce soit dans les gares, les parcs ou les bistros / Je me demande quelle est la part exacte des Allemands ayant lu les pavés du patrimoine littéraire (Mann, Döblin…) – sans doute extrêmement faible / Quand j’habitais au Japon, j’ai souvent entendu les Japonais dire qu’ils se sentaient proches des Allemands ; au spectacle du civisme, de la propreté et de la discrétion des Münichois, je m’en suis rappelé / Je me suis fait plusieurs fois rabrouer parce que je ne portais pas le masque sur le nez, la seule personne à me dire que je pouvais le retirer était un restaurateur italien, ne parlant pas anglais / De Paris à Münich en train, c’est curieusement sur les lignes intérieures allemandes qu’il y avait des retards et qu’il manquait des prises / J’avais une image des Allemandes comme irrémédiablement gâtées par un esprit pratique rétif à toute élégance ; or, j’ai davantage vu de robes, de jupes et de mini-short à la mode qu’à Paris, où l’on voit surtout des jeans – l’effet sans doute du calme, du niveau de vie et de l’absence probable de harcèlement / De retour à Paris ce qui frappe sont les détritus le long des voies, la densité urbaine et les aperçus de misère dès la sortie de la gare / Dans les boucheries de Münich on trouve davantage de saucisses que de viande proprement dite

jeudi 30 juillet 2020

40 choses observées à Münich (3/4)

Le plat français que j’ai le plus lu sur les menus est la bouillabaisse / Les façades larges et sobres, les toits en terrasse, les revêtements pastel, les clochers baroques, l’Allemagne méridionale a vraiment des airs d’Italie / Saucisses, bière et bretzel à tous les étages, comment les Allemands restent-ils si sveltes ? / Les purées sont présentées sous forme de boules gélatineuses / Je ne sais pas s’il s’agit d’une conséquence des reconstructions d’après-guerre ou d’une tendance culturelle, mais les villes allemandes que je connais sont toutes aérées, paisibles, étendues – les villes françaises, par comparaison, ont quelque chose de tortueux / A l’entrée de chaque bar, de chaque restaurant, on demande au client de remplir un questionnaire – nom, adresse / Les palais impressionnent moins par leur raffinement que par leur grandeur, de même que les fleurs y sont nombreuses mais d’espèces peu variées / Leurs jardins hésitent entre un style français mais trop peu méticuleux et un style anglais mais sans vraie liberté / En revanche, les parcs donnent toute la mesure de ce que peut être un bien-être (Gemütlichkeit) à la bavaroise / D’habitude j’adore les cafés des musées d’art moderne, mais cette fois-ci j’ai préféré les biergarten, où les Allemands boivent des litres de bière depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée / Münich m’a réconcilié avec le crépi, souvent décrépit en Champagne mais pimpant dans cette ville riche et paisible

lundi 27 juillet 2020

40 choses observées à Münich (2/4)



En cinq jours, que ce soit dans les trains, les cafés ou le métro, j’ai vu cinq personnes lire un livre / Beaucoup d’Allemands d’origine turque arborent des chevelures volumineuses, gominées, très étudiées, avec une curieuse touche rock’n roll / Les gens sont plutôt fins mais certaines Allemandes deviennent avec l’âge de véritables matrones / La santé, la vie saine, l’équilibre physique semblent être des passions nationales / Un homme a joué « La vie en rose » au violon devant la vitrine d’un vendeur de bretzel et j’ai entendu « L’été indien » dans une trattoria tenue par des Italiens / Dans le Musée d’art moderne il y a plus de gardiens que de visiteurs, ils vous dévisagent tandis que vous dévisagez les œuvres / La musique est assez peu présente dans les bars et restaurants, même le soir – surtout quand on compare à l’Irlande – ce qui m’étonne quand je pense à l’art majeur qu’a longtemps représenté la musique dans la culture allemande / Les toilettes des bars sont souvent tenues, le soir, par des personnes – le plus souvent des hommes – qui semblent en charge de leur propreté et qui attendent une pièce ; je me demande quelle part de sadisme préside au maintien de ce job / Dès qu’on s’éloigne du centre-ville, le goût allemand pour le monumental reprend le dessus / Dans les vitrines des antiquaires la religion catholique est très présente – ainsi que les chopes de bière et les portraits de Napoléon.

jeudi 23 juillet 2020

40 choses observées à Münich (1/4)



Le mot qui définit le mieux l’Allemagne à mes yeux : cossu / Dès qu’on franchit la frontière, les maisons paraissent massives et propres / Sans être chics, les gens sont plutôt grands et beaux / Pas de tourniquets dans le métro, signe d’un niveau élevé de civisme, ce qui pince le cœur quand on pense à la France / L’accueil est sympathique et même assez chaleureux / Un tiers des restaurants et cafés est italien ou d’inspiration italienne / Dans les restaurants fins, en revanche, de nombreux plats sont français / Les Bavarois boivent beaucoup de bière mais apprécient aussi les vins blancs et le champagne, même s’ils confondent parfois celui-ci avec de simples mousseux / Dans le centre-ville pas de tags ni de papiers gras ni d’agressivité

lundi 9 septembre 2019

27 choses observées en Irlande du Nord (3/3)

Je n’avais pas imaginé que la série Game of Thrones puisse être l’objet d’un tel culte en Irlande du Nord : expositions, sculptures, « special tours »… Je suppose que les décors naturels n’en sont pas la seule raison, mais que la série a capté quelque chose de l’esprit national / Cela fait des décennies maintenant qu’au Royaume Uni le déjeuner star pour toute personne en goguette est incarné par le sandwich triangle et le paquet de chips – goût vinaigre –, au demeurant plutôt agréables / On dirait qu’il y a deux mondes, en Irlande : celui des villes où règnent la bière, la musique et les tensions sociales ; celui de la nature où les prairies, les collines, les moutons vous appellent à tout oublier / L’omniprésence de la pluie doit forcément beaucoup jouer dans cette culture du Pub, ces antres assez sombres où résonnent des rires autour des pintes interminablement resservies / Etonnant comme certaines villes communient dans le souvenir des drames : la principale attraction de Belfast est le musée du Titanic, de même qu’à Stockholm c’était le musée d’un galion sombré dans la baie / J’ai toujours eu le sentiment que les pays anglo-saxons étaient les pays des pavillons ; tout le monde ou presque semble y avoir droit à sa maison proprette et correctement séparée de celle de ses voisins, si bien que la qualité de vie du point de vue de l’habitat, et alors même que les différences sociales semblent plus profondes qu’en France, me semble meilleure là-bas / Chaque fois que j’entendais dans un magasin, dans un bar, une ligne de basse très distincte, le fantôme des Cranberries se levait dans la salle.

mercredi 21 août 2019

27 choses observées en Irlande du Nord (2/3)



J’ai vu beaucoup de bergeronnettes grises, certes uni peu moins nombreuses que les moineaux domestiques en France mais davantage que les rouges-gorges / Dans les cimetières, les tombes précisent les dates de mort mais pas de naissance / Aux yeux d’un Français, un des éléments d’exotisme est représenté par la religion, très présente à tous les coins de rue – par exemple, cet ange à la fenêtre ; dans les temples et les églises on entend des gens prier à voix haute / En revanche, je trouve la culture celte beaucoup moins présente qu’en République d’Irlande… Serait-ce le résultat de la relative mainmise des Anglais sur le pays ? En Ecosse, les protestants sont proportionnellement plus nombreux qu’en Irlande du Nord et pourtant la culture celte est partout. La guerre civile irlandaise aurait-elle étouffé les revendications culturelles alors qu’elle aurait pu les vivifier ? / Fascinant comme les fractures entre catholiques et protestants, entre républicains et unionistes ne se ressentent pas pour un touriste, alors même que le pays se remet tout juste de la guerre civile ; il faut vraiment lire et visiter les musées pour réaliser la profondeur de la blessure, à défaut d’avoir le temps de fréquenter vraiment la population / Dans les gares, un nombre incalculable d’affiches pour la prévention de l’alcoolisme, de la violence ou du suicide ; signe d’une profonde misère sociale ? Ou bien signe que les pouvoirs publics ont le courage de s’emparer de la question ? / Dès qu’on s’éloigne du centre de Belfast, on commence à voir les stigmates de la pauvreté – obésité, marques d’alcoolisme, fréquence des survêtements et des cheveux mal colorés –, une pauvreté que j’ai toujours trouvée plus visible dans les pays anglo-saxons qu’en France. Ne serait-ce qu’une impression ? / Au Belfast Museum, un nombre important de toiles s’inspire des impressionnistes français ; j’aime imaginer cette inspiration comme un contre-don de la France au don qu’a représenté la geste celtique / Dans les restaurants chics, on trouve le même tropisme vers la France : les cartes présentent des soupes à l’oignon et des sauces vierges / En littérature, aussi : Beckett a vécu en France tandis que Houellebecq ou Déon choisissaient l’Irlande pour quelques années

vendredi 2 août 2019

27 choses observées en Irlande du Nord (1/3)



Quand on survole la France puis l’Angleterre, on passe d’un paysage de parcelles jaunes (céréales, fortes chaleurs) à un paysage de parcelles vertes (prairies, pluie) / Au Royaume-Uni les champs sont encore délimités par des haies / Les Irlandais semblent passer une part considérable de leur existence à jouer du violon, de la guitare et de la flûte, et à boire de la bière / Les îles britanniques sont vraiment les seuls pays d’Europe où de la très bonne musique populaire (en l’occurrence, de la folk et du rock) se fait entendre un peu partout / En Irlande du Nord les jeunes hommes et les garçons sont tous coiffés de la même façon : nuque et côtés rasés, longue mèche lissée vers l’avant / A Stockholm l’année dernière les gens m’avaient semblé plus grands, plus élancés, plus beaux que la moyenne européenne ; en Irlande, sans vouloir paraître grossier et en dépit de la sympathie que je voue à ce peuple, je dois bien admettre que c’est l’inverse / L’accent irlandais doit faire rire les Anglais mais, les premières jours, il m’a semblé bien adapté à l’oreille française ; curieusement, les jours suivants je n’y ai plus rien compris / La plupart des gens s’habillent sans élégance, à l’exception notable de certains hommes arborant des chemises ou chemisettes très chics et plutôt rock, aux motifs colorés / Pourquoi les Anglo-saxons ont-ils développé des rythmes de repas si différents ? Petit déjeuner copieux, déjeuner maigre, dîner généreux – il me faut toujours vingt-quatre heures pour m’adapter / Les Irlandais mettent beaucoup d’orgueil à entretenir leurs pelouses – des maisons médiocres présentent d’impeccables parterres, l’Université de Belfast affiche un immense et merveilleux gazon (…)

mardi 7 mars 2017

L'air comme du vitrail

Il y a peu de lumière, en Ecosse. Cependant le vert est si dense, l'humidité si puissante, les forêts et les montagnes si frémissantes, qu'on a l'impression d'évoluer dans une cathédrale dont tous les murs seraient des vitraux.