J’apprends la mort de Harvey Pekar, l’auteur de la merveilleuse bandes-dessinées American Splendor (adaptée récemment au cinéma), que j’ai découverte cette année. Il en était le scénariste, racontant sa vie par courts épisodes qu’il faisait mettre en images par plusieurs dessinateurs, parmi lesquels le fameux Crumb, devenu par la suite une véritable icône de l’underground, flirtant constamment avec la vulgarité, les fantasmes sexuels et le portrait, souvent cruel, et souvent politiquement incorrect, d’ailleurs, de l’Amérique.

Ce qui m’a frappé dans cette bande-dessinée, et ce qui m’a plu, c’est que l’auteur ose se mettre en scène comme un dépressif chronique, assailli par les angoisses les plus diverses, éprouvant les pires difficultés dans sa vie professionnelle et sa vie sentimentale. Œuvre glauque ? Non, sincère, et le succès foudroyant qu’elle a rencontré ne m’étonne pas. Mécaniquement, on se sent beaucoup plus proche, en fin de compte, d’une personne avouant ses faiblesses. Et c’est bien la première fois que je lis, du moins de cette qualité, une bande-dessinée dont la force, la maturité, la gravité même des enjeux reste comparable à celles de grandes œuvres littéraires.