Je partage la méfiance instinctive du poète Yves Charnet devant tous les prétextes pour mettre au pas les libertés individuelles, et sa stupeur devant le peu d'hésitations du public à y renoncer. La Boétie prétendait qu'il suffisait de le vouloir pour abattre les tyrans, puisqu'ils ne tirent leur pouvoir que de notre soumission volontaire. Mais il a sans doute surestimé notre désir de liberté. Celui-ci tient rarement face au goût du confort et à la paresse.

Yves charmet, s'exprimant dans le numéro 48 de la revue Les moments littéraires (lu pour le Prix Rive gauche à Paris de Laurence Biava), après avoir été présenté par un bel article de Sarah Chiche:

"La mise au ban est, sans doute, la forme primitive de mon expérience de la vie. Dès avant ma naissance. Déplacée d'office, je vous le disais, par l'inspection académique de la Nièvre, "mademoiselle Thérèse Charnet" a dû quitter, pour la rentrée 1961, la petite ville et la petite école où elle avait aimé l'homme marié qui fut mon géniteur. Ce traumatisme fondateur reste l'origine secrète de tous mes positionnements politiques. Jusqu'au récent refus du "Pass' de la honte" qui m'a valu, bien sûr, d'être mis au ban d'une grande partie du milieu littéraire et universitaire. Le silence de cette élite intellectuelle et, pire encore, son consentement à cette odieuse opération de domestication sociale m'ont sidéré. Et profondément indigné."