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Potassant l’histoire de Tel Quel et feuilletant quelques bouquins de Sollers en vue d’un cours à Sciences-Po, je retombe sur plusieurs passages condamnant dans le roman la construction d’un récit.

Aujourd'hui, celui qui cherche à raconter une histoire doit surmonter la mauvaise conscience que font peser sur lui ces théories fort compréhensibles au demeurant, mais tout de même handicapantes pour celui qui se sent le tempérament d’un romancier… Depuis combien d’années proclame-t-on la mort du roman ? Depuis combien d’années le roman, au sens le plus trivial du terme, continue-t-il en dépit de tout à nous procurer du plaisir ?

Curieusement, Sollers relie l’écriture du roman à la culpabilité… Ne vous sentez plus coupables, nous dit-il, et cessez d’écrire des fictions ! Je trouve ça plutôt fécond, pour ma part, la culpabilité…

« - Le roman doit d’abord être une « histoire », a story… Personnages typés. Enquête plus ou moins policière. Dévoilement d’une cause, d’un ressort, d’un motif, autrement dit d’une culpabilité. Surmontée ou pas, peu importe. Sois coupable, et raconte. Pas de culpabilité, pas de story, ou à peine. Pas, ou peu, de story, rien du reste ! (…)
- Eh bien, vous n’avez qu’à écrire une story !
- Comment faire, sans ressentir la moindre culpabilité ? (…)
- En somme, vous vous situez dans l’indicible ?
- Mais non, mais non… Quand j’ai dit que ça ne se racontait pas, en réalité, ça se raconte très bien. Et même de mieux en mieux. Mais ça ne fait pas une story, vous comprenez ? Ca ne se boucle pas en story !
- Vous voulez dire que ça reste en suspens ? Que ça en va nulle part ? Ou partout à la fois ?
- Un peu, oui.
- Mais c’est la poésie, ça ?
- Ah, non ! Pas du tout, Roman ! J’y tiens !
- Mais pas « nouveau roman » ?
- Non plus ! Ni dix-neuvième, ni dix-neuvième amélioré ! Sensualité d’abord ! Positive !
»
(Extrait d’une interview imaginaire, dans Portrait du Joueur)