La force de Philip Roth tenait à deux choses, selon moi. L’ampleur de son inspiration, tout d’abord, la richesse de la matière qu’il charriait – osant mettre le doigt sur les paradoxes de l’époque – et le débit très impressionnant de ses trouvailles. La tension dramatique, ensuite. Il parvenait à électriser les histoires qu’il mettait en scène. Même dans ses fictions les plus élaborées, les plus longues, il y avait un sentiment d’urgence et de drame, sans doute assez artificiel – la vie atteint-elle toujours ces sommets ? – mais qui me semblait être la forme que prenait sa virtuosité. Pour paraphraser Malraux parlant de Faulkner, Philip Roth, ce n’était pas l’intrusion de la tragédie dans le roman policier, mais l’intrusion de la tragédie dans la vie banale.