Je découvre le livre de François Beaune, « Omar et Greg » (Le Nouvel Attila, 2018), et je suis heureux d’y découvrir un véritable complément à la galerie de portraits des petits Blancs. Dans ce dernier, je croquais par exemple le personnage de Karim, tiraillé entre sa mère d’origine bretonne devenue folle et son père d’origine algérienne, ancien ouvrier. Discutant volontiers avec des Blancs pauvres, Karim n’allait pas jusqu’à se rapprocher du FN. Dans le livre de François Beaune (un dialogue entre un Arabe et un Blanc ayant sympathisé dans les rangs du FN avant d'en repartir, déçus), Omar, en revanche, franchit le pas et tente de faire admettre au parti de Marine Le Pen une ligne moins identitaire et plus strictement patriote, plus ouverte à l’intégration des minorités. Cette histoire peut paraître surprenante – en dépit de sa véracité –, elle ne l’est pas tant que ça quand on s’intéresse à la question des errances identitaire. Un beau livre, à la fois vivant et lourd en enseignements.

« Omar.

Mon attrait pour le FN, c’est plein de choses, une marmelade. Des fois je me dis, Omar, tu es maboul ou quoi ? Pourquoi tu es parti voir Jean-Marie ? Et là je me réponds, mais quand même, il fallait bien montrer la bonne image ! Mais de qui ? De moi ? Des musulmans ? des Arabes ? C’est un truc important cette reconnaissance.

Et puis il y a mon passé dans la délinquance. Je culpabilise pas, parce que la rue m’a forgé, merci la rue, grâce à elle j’ai connu des épreuves dans la vie, j’ai souffert ce qu’il faut, et sans elle, peut-être que je me serais suicidé, à quarante-six ans, j’ai toujours du mal à me positionner sur l’échiquier français. C’est un truc de malade, tu joues ou ?

Je fais partie de la génération sacrifiée. On n’a pas été Français, on n’a pas été émigrés, on avait le cul entre deux chaises. Le Front national c’était ça, il fallait que je trouve des réponses à mon questionnement. Est-ce que je suis ou pas un Français ? Marine m’a dit que non, Jean-Marie m’a dit que oui, et au final j’ai pas eu ma réponse. » Omar et Greg, page 102