Du temps de ma "dèche à Paris", comme aurait dit Orwell (en l'occurrence, un simple mi-temps dans l'Education nationale), j'avais mes habitudes au Flunch de Beaubourg. J’aimais son atmosphère houellebecquienne. Aujourd'hui, je me suis embourgeoisé – un effet de la maturité, sans doute – et j’ai quitté les Flunch pour les étoilés de Champagne.

N'empêche que je retrouve avec plaisir mon Flunch préféré dans le roman de Fabrice Chatelain, « En faut de l’affiche » (Intervalles, 2022), une sacrée satire des mondes de l’art et du cinéma. Personnages grotesques, situations bien croqués, sentiment d’échec à tous les étages, chute vertigineuse à la « Valse des pantins »... Y aurait-il une nouvelle école de la comédie, française irrévérencieuse et mélancolique, dont le chef de file serait par exemple Patrice Jean ?

« Le Flunch de Beaubourg était presque vide et seul le faible tintement métallique des couverts en inox brisait par intermittence le silence morne qui régnait dans la salle de restaurant. (…) Bien que gênée par le comportement étrange de son compagnon qui attirait l’attention des autres clients médusés, Sophie n’osa pas l’interrompre. A la fin de la tirade, il se mit carrément debout pour scander :

« Et l’aigle impérial, qui, jadis, sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme ! »

Le responsable de permanence du Flunch, qui apparemment n’avait entendu que le dernier vers, se dirigea vers leur table pour signifier à Paillard qu’il ne pouvait pas dire des choses pareilles. Les cuisines de l’établissement étaient irréprochables et faisaient l’objet de contrôles sanitaires réguliers. » (pp 97-99)