Sur le site MyBoox, un article de Lauren Malka :

"Avec L’Homme qui frappait les femmes (Léo Scheer), Aymeric Patricot signe une tragédie silencieuse et terrifiante dont le lecteur peut rester meurtri longtemps.

Pourquoi on aime "L’Homme qui frappait les femmes"

Si ce conseil de lecture est l’un des plus enthousiastes de l’année 2013, il tient aussi à rester l’un des plus prudents en commençant par mettre en garde le lecteur. L’Homme qui frappait les femmes, quatrième livre d’Aymeric Patricot, n'a rien d'apaisant ou de réconfortant. Il nous fait vivre quelques heures au côté d’un personnage ultra-violent qui n’hésitera pas à nous poursuivre dans une persécution silencieuse jusque bien après le mot "fin". C'est peut-être d'ailleurs pour conjurer ce sort qu'Aymeric Patricot fait suivre son histoire d'un bref essai intitué "L'Insoutenable" où il explique les raisons de son geste et ses inspirations littéraires - Georges Bataille, Hubert Selby Jr entre autres - et personnelles.

Le narrateur, qui n’est jamais nommé dans le roman, est tout aussi trouble et contradictoire que "L’Homme qui aimait les femmes" de Truffaut, sauf qu’il est son exact opposé. L’un aime les passantes inconnues, l’autre les frappe. Elevé dans un bon milieu à Deauville, le narrateur traverse une enfance sans encombre quoique marquée par un certain ennui et une attitude dubitative vis-à-vis de son avenir. Un jour, il tombe par hasard sur la seule et unique activité qui puisse enfin mobiliser en lui des émotions intenses : la violence. Non pas l’envie de se battre, non, notre narrateur est trop "douillet, (il) déteste l’idée d’une blessure" et fuit dès qu’il le peut "les circonstances qui l’obligent à se battre contre un adversaire à (sa) hauteur". Ce sont les filles qu’il aime frapper. Il les frappe et déguerpit. Particulièrement si elles sont douillettes elles aussi, fragiles, si leur peau fine et transparente fait jaillir le sang et les bleus presque instantanément.

Cet homme nous parle tout le long du livre, non par envie de se repentir ou de se justifier – il est très clair là-dessus - mais pour définir le plus précisément possible les contours de sa personnalité qu’il cerne mal et dont il ne parvient pas à regretter les "dérapages". Un manque de chance selon lui, ou bien un penchant fatal, dont il ne peut qu’observer les terribles ravages sur sa propre vie, année après année.

Jamais freiné, ni par le remord ni par la loi, cet homme pousse sans effort son vice jusqu’à son paroxysme en s’engageant au côté de Clarisse, sa future femme, dans une association de lutte contre les violences conjugales, en l'épousant et en la battant. Puissant et pourtant médiocre, coupable et pourtant habité, comme Hernani, par une "force qui va", le héros de ce livre ne trouve matière à vivre que dans l’attirance irrépressible du néant. Ce néant dont les femmes qu’il frappe portent toutes la trace lorsqu’elles succombent si facilement à son charme et s’abandonnent naïvement dans ses bras, lorsqu’elles reçoivent un coup de poing à la mâchoire et s’effondrent ou lorsque leur tête valse et frappe un coin de table avant de perdre connaissance.

Les filles tabassées ? Elles ne se plaignent jamais. Certaines semblent à peine lui en vouloir. Clarisse, sa femme, signe un pacte tacite avec lui en jouant le couple parfait tandis que les autres disparaissent le plus souvent, avec leurs hématomes et leurs traumatismes, le laissant tout à sa bestialité et à ses mensonges. Et c’est dans ce silence, cette disparition que réside le don d’Aymeric Patricot. C’est là que commence ce qui ressemble à une tragédie grecque et pourrait bien faire de ce livre un grand morceau de littérature. Ce que Patricot saisit avec tant de justesse, c’est l’os qui perce à travers la peau sans l’ouvrir, les dents qui claquent contre le carrelage sans se briser et le pacte qu’un homme signe silencieusement avec le monde en n’ayant l’air de ne pas y toucher. Car perdre la raison peut tout à fait se produire sans un bruit.

La page à corner

"Sur le coup, je ne voyais jamais le sang de ma femme. Je découvrais Clarisse, quelques heures plus tard, couverte d’hématomes. Mais cette couleur rouge, pendant les scènes elles-mêmes, ne m’atteignaient pas. Peut être y avait-il comme un filtre dans mon regard ? Ou bien j’oubliais ce que j’avais vu… Cela m’angoissait beaucoup de surprendre ma femme désinfectant ses plaies, car j’y voyais un nouvel effet de ma folie. Si j’oubliais tant de choses, au fur et à mesure, alors tout finirait dans une atroce confusion…

Une seule fois j’ai pleuré, battant ma femme, et c’est arrivé lorsque notre fils, âgé de quatre ans, a voulu s’interposer. Il s’est emparé d’un camion de plastique pour chercher à le lancer contre ma jambe. J’ai dû surprendre mes gestes, l’interrogeant du regard : « Que veux-tu dire à ton père ? »

C’était atroce que la rage et la tristesse se mêlent à ce point, et qu’une main cherche à m’extraire du chaos. Je me suis mis à gémir, saisissant ma femme par le bras pour la traîner dans une autre pièce. Avait-elle seulement remarqué la présence de Matthieu ? Elle avait sa part de responsabilité dans ce naufrage. Je voulais la frapper comme j’aurais moi-même mérité d’être frappé
". (p. 67)

"L’Homme qui frappait les femmes" critiqué par la presse

"Le roman de Patricot est peut être l'une des plus belles découvertes de ce début d'année. On ne ressort pas indemne de cette lecture. A lire absolument". Omri Ezrati – Blog Psychologies

"C’est un coup de cœur particulier, c’est troublant, dérangeant et politiquement très incorrect". Europe 1

"C’est très bien écrit, c’est un joli roman même si le sujet est effroyable". Brigitte Lahaie, RMC

"Entre roman et analyse, c'est un livre qui éclaire et qui a surtout le mérite de s'attaquer à un phénomène de société millénaire à l'exponentielle.

C'est très bien écrit, court, intense, sans voyeurisme, les mots sonnent juste". Dominique Bouchard, Unwalkers.com"