Je me dis souvent qu’il y a un thème largement sous-traité par les médias français, celui des guerres secrètes pour la maîtrise de l’information mondiale, notamment sur le net. Et c’est pourquoi le livre de Flore Vasseur, « Ce qu’il nous reste de nos rêves » (Equateurs, 2019), me paraît important : en retraçant sa vision très personnelle de l’histoire brillante et tragique d’Aaron Swartz, l’auteure fait œuvre utile dans un pays, la France, où personne ou presque ne semble prendre la mesure de ce qui se trame vraiment. Paresse intellectuelle ? Cécité stratégique ? Impuissance économique ? Bien entendu, je me suis empressé d’acheter le volume compilant la plupart des articles d’Aaron Swartz, …. Et je prépare un cours spécifique sur la question pour mes étudiants de prépa.

« Le 11-Septembre a déssillé les yeux d’Aaron. Stanford, où il cherchait une nouvelle rampe de lancement, le rend fou de colère et de tristesse. Le monde n’a jamais produit autant de diplômés, l’humanité autant de stupidité. Leurré par les sirènes de l’ultra-modernité, d’un monde parfaitement plat, maîtrisable, la matière grise mondiale accourt et s’embourbe dans des projets inutiles qui terrasseront la liberté. C’est le grand rapt de l’intelligence. Les multinationales se sont arrogé les gisements de pétrole, les terres arables, les forêts, la main-d’œuvre mondiale. Les GAFA accaparent les ressources en intelligence. Elles les « collectent » et les entreposent dans leurs sièges sociaux, bâtis comme des musées, des sociétés parfaites. Elles se targuent d’innovation de rupture, nouvel avatar du capitalisme du désastre. Noam Chomsky hurle. « C’est en le lisant que j’ai compris qu’il me fallait passer ma vie à réparer les failles que j’avais découvertes », remarque Aaron. » (p174).