La littérature sous caféine


"Le sexe est très surestimé"



« Le sexe est très surestimé », pourrait être la morale du premier roman de Raphaël Rupert, « Anatomie de l’amant de ma femme » (Prix de Flore 2020). L’argument paraît grivois (la femme du narrateur couche avec un homme apparemment mieux membré) mais il sert surtout de prétexte à une série de digressions drôles et rusées, tour à tour littéraires, existentielles et métaphysiques, au point que la pochade sexuelle vire à l’exercice élégant, s’achevant par une rêverie sur l’effacement individuel. Rohmer et Beckett : so chic !

« La sexualité, comme le désir, est devenue dans nos sociétés une activité tout à fait accessoire, l’attribut nécessaire d’une vie socialement réussie. Parce que le sexe n’est pas directement utile à la vie sociale, la vie sexuelle n’a jamais été donnée à tout le monde. Elle est réservée à une élite, plus petite qu’on ne le pense. Même si le sexe semble présent partout, même si la pornographie touche les adolescents de plus en plus jeunes, même si le plaisir sexuel pur, sans amour, est devenu un passage incontournable de l’existence comme d’ouvrir un compte en banque ou passer son permis de conduire, le désintérêt croissant pour l’expérience sexuelle n’en est que plus réel. C’est la nouvelle mutation du capitalisme, la dernière boulimie spéculative. L’injonction à la réalisation sexuelle a rompu la chaîne qui plaçait le désir, le fantasme avant l’accomplissement et prévoyait même que certains accomplissements ne se concrétiseraient pas. La frustration n’est plus tolérée. (…) Le sexe, en retour, a perdu de sa puissance symbolique. » (pp ‪127-128‬).

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