L'autofiction (s'il est encore possible d'utiliser ce terme), dont l'une des définitions pourrait être "autobiographie réfléchissant à sa propre forme", relève, bien souvent, de la forme courte : récits épurés d'Annie Ernaux, livres éclairs de Christine Angot, chapitres brefs de Hervé Guibert.

Mathieu Simonet, dans Marc Beltra, roman autour d'une disparition, choisit la succession de courts paragraphes séparés par des blancs, comme autant de flashs cherchant à saisir le mystère même de la disparition d'un jeune homme, Marc Beltra, dans les forêts d'Amazonie, voilà plus de dix ans.

Simultanément, nous suivons le travail d'avocat de Mathieu Simonet, sa correspondance avec plusieurs proches de Marc, les impasses de l'enquête... Les temps se télescopent, les genres et les lieux, pour le plus grand plaisir du lecteur qui, happé par cette histoire envoûtante, ressent une jouissance coupable : ce véritable puzzle littéraire a tout du thriller.

L'émotion naît de la justesse du trait autant que des blancs, qui paraissent ronger le texte. Littérature minimaliste et pourtant puissante. On a l'impression d'un sismographe de l'intime. "Roman autour d'une disparition": roman de l'apparition d'un souffle, d'un mystère.

Trois questions à l'auteur.

1) Quel bilan tires-tu de l’écriture et de la publication de ce livre ?

Ce livre m’a permis de me réapproprier ce dossier. L’affaire Marc Beltra, que je connaissais depuis des années en tant qu’avocat, est apparue sous un angle nouveau. Tous les avocats devraient écrire le roman de certaines affaires. La littérature est un moyen de compréhension (et pas simplement un outil esthétique). C’est important de le souligner car, sur un plan juridique, la pertinence pour un écrivain de traiter l’actualité, par le prisme de l’écriture, est régulièrement remise en cause (en gros, les tribunaux estiment que les écrivains ont une légitimité moins évidente que celle des journalistes, pour décrypter le réel). Par ailleurs, la publication de ce livre a eu des répercussions, que je n’anticipais pas, sur les proches de Marc, notamment sur Françoise (sa mère). Ce livre n’est donc pas simplement un objet avec des feuilles, mais aussi une pierre symbolique qui me dépasse, avec des pouvoirs presque magiques (tel est le cas de tous les livres sans doute, mais avec celui-ci, cela m’apparaît de manière particulièrement palpable).

2) avais tu conscience, en l’écrivant, de son flirt avec le genre du thriller ?

Oui. Dès le début, j’avais en tête qu’un des fils rouges du livre serait construit sur la mécanique de l’émission Faites entrez l’accusé (cette émission a eu une influence souterraine dans le rythme de mon écriture : lorsque j’ai monté ce livre - en coupant les paragraphes, en les déplaçant, en les lisant à haute voix, comme un monteur qui visionnerait des rushs -, j’avais en tête plusieurs sources, notamment, et de manière très précise, la dynamique de cette émission).

3) as tu envie de t’essayer au roman, ou, disons, a une forme beaucoup plus romanesque de roman ?

Non. Le romanesque ne m’intéresse pas a priori. En revanche, j’ai envie de faire des expérimentations. L’écriture, pour moi, est un laboratoire du réel. Il n’est pas exclu qu’une de ces expérimentations soit un jour construit autour de la notion de « romanesque ». Mais si je le fais, cela sera comme un enfant qui démonte un jouet ; je serais face à l’outil romanesque, je me confronterais à ses règles, j’essayerais de comprendre ce que d’autres écrivains y font (pourquoi sont-ils dans cette ville ? que cherchent-ils dans la fiction ?) Je ne sais pas si je testerai réellement cette piste. C’est possible. Pour moi, ce serait comme faire l’amour avec un sexe auquel on n’est pas habitué.